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2e lecture du Texte de loi de prévention de la délinquance par le Sénat

Article 12 ter
L'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage est ainsi modifié :

Le I est complété par trois alinéas ainsi rédigés
Les mêmes dispositions sont applicables aux communes qui bénéficient du délai supplémentaire prévu au III de l'article 2 jusqu'à la date d'expiration de ce délai ainsi qu'aux communes disposant d'un emplacement provisoire faisant l'objet d'un agrément par le préfet, dans un délai fixé par le préfet et ne pouvant excéder six mois à compter de la date de cet agrément.
L'agrément est délivré en fonction de la localisation, de la capacité et de l'équipement de cet emplacement, dans des conditions définies par décret.
L'agrément d'un emplacement provisoire n'exonère pas la commune des obligations qui lui incombent dans les délais prévus par l'article 2.

Le II est ainsi rédigé
En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux.
La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.
La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à 24h. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d'usage du terrain.
Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effets dans le délai fixé et n'a pas fait l'objet d'un recours dans les conditions fixées au II bis, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure.
Lorsque le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain fait obstacle à l'exécution de la mise en demeure, le préfet peut lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l'atteinte à la salubrité, à la sécurité ou la tranquillité publiques dans un délai qu'il fixe.
Le fait de ne pas se conformer à l'arrêté pris en application de l'alinéa précédent est puni de 3 750 euros d'amende.

Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé
Les personnes destinataires de la décision de mise en demeure prévue au II, ainsi que le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain peuvent, dans le délai fixé par celle-ci, demander son annulation au tribunal administratif. Le recours suspend l'exécution de la décision du préfet à leur égard. Le président du tribunal ou son délégué statue dans un délai de 72h à compter de sa saisine.

Dans le premier alinéa du III, les mots et la référence : «et du II»,sont remplacés par les mots et la référence : «du II et du II bis»
Mme BOUMEDIENE-THIERY. – Après avoir discuté des chiens pendant une heure, nous en arrivons aux Gens du voyage (cf le nouvel Article 12 Ter A examiné peu avant). Ce texte fourre-tout offre des rapprochements intéressants…

Il permet aussi à la majorité présidentielle de faire triompher sa vision ultra-répressive et de faire adopter des dispositions liberticides et dangereuses pour notre démocratie et pour certaines catégories de nos concitoyens.

Ceux qui se nomment Sintés, Calés, Roms, Manouches, Tziganes ou Gitans et que l'on appelle « Gens du voyage » sont à nouveau victimes d'une discrimination inacceptable. Un amendement adopté en première lecture au Sénat et renforcé à l'Assemblée nationale autorise leur évacuation forcée en cas de violation des règles sur le stationnement des Gens du voyage. L'article 12 ter substitue à la saisine du juge civil par le maire une possibilité d'exécution d'office par le préfet. C'est contestable car la compétence du juge est de principe en la matière. La mise en demeure de quitter les lieux émise par le préfet est un acte administratif. Les contentieux d'annulation et de réformation des décisions des autorités publiques sont réservés au juge administratif, pour autant que ne sont pas en cause les matières réservées par nature à l'autorité judiciaire, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987.

Or l'autorité judiciaire est, en vertu de l'article 66 de la Constitution, garante du respect des libertés individuelles et donc du principe d'inviolabilité du domicile reconnu par les décisions du Conseil constitutionnel du 12 janvier 1977 et du 29 décembre 1983.

De plus, forcer les gens du voyage à évacuer les terrains qu'ils occupent constitue une violation de domicile – leur caravane étant considérée comme leur habitation principale selon la jurisprudence du Conseil d'État –, sanctionnée par l'article 184 du Code pénal. En outre, le Conseil constitutionnel a rappelé que la prévention des atteintes à l'ordre public doit se concilier avec le respect des libertés individuelles, ce qui suppose que les opérations soient contrôlées par l'autorité judiciaire. Par sa décision du 20 janvier 2005, il a également observé qu'instituer des délais de recours variables, parfois très brefs porterait atteinte à l'exercice effectif des droits de la défense et représenterait une rupture de l'égalité des citoyens devant la loi.

Au plan politique, ce dispositif est inacceptable. Quant va-t-on cesser de considérer les Gens du voyage comme des citoyens de seconde zone ? En criminalisant des pans entiers de la population, le ministre de l'Intérieur cherche à attiser les peurs, à dresser les citoyens les uns contre les autres, à opposer les précaires aux précaires.

Le manque de places est patent : sur un besoin évalué à 40 000 places d'après la loi du 5 juillet 2000, seules 8 000 places sont aujourd'hui disponibles, en raison de la résistance des élus locaux, et ce manque de place pousse les gitans à occuper des terrains non prévus à cet effet, et les condamnations se multiplient. Pourquoi ne pas également sanctionner les maires qui refusent de réaliser les aires d'accueil prévues par la loi ? Les Verts, qui refusent cet apartheid institutionnalisé, demandent la suppression de cet article infâme.

M. LE PRÉSIDENT. – Amendement n° 81, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen. Supprimer cet article.
Mme BORVO COHEN-SEAT. – Encore une fois, on fait l'amalgame entre forains et désordre, gitans et voleurs de poules.
Depuis 2003, les sanctions à l'encontre des installations hors des aires autorisées ont été renforcées. À l'inverse, rien n'a été prévu pour sanctionner les maires qui refusent de réaliser les aires de stationnement prévus par la loi. Les gens du voyage ne doivent pas faire les frais des défaillances des élus locaux.
De plus, cet article constitue une triple atteinte aux droits fondamentaux : la suppression de l'intervention préalable de l'autorité judiciaire est contraire à l'article 66 de la Constitution ; le principe d'inviolabilité du domicile – en l'espèce, les caravanes – est remis en cause et l'égalité des citoyens devant la justice est rompue par l'impossibilité faite à certains d'exercer leur droit à une défense. D'où cet amendement de suppression.

M. LE PRÉSIDENT. – Amendement identique n° 156, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. PEYRONNET. – Il a été excellemment défendu par Mme Borvo Cohen-Seat.

M. LECERF, rapporteur. – La compétence administrative se justifie car le préfet ne peut décider une mise en demeure que si le stationnement porte atteinte à l'ordre public. J'ajoute que les droits de la défense ne sont pas remis en cause puisque les gens du voyage peuvent déposer un recours suspensif – j'y insiste – devant le tribunal administratif, lequel doit rendre sa décision dans les 72h.
Dois-je rappeler que ces dispositions, qualifiées de « liberticides » par certains, ont été adoptées à l'unanimité à l'Assemblée nationale ? Avis défavorable.

M. ESTROSI, ministre délégué. – Même avis.

L'amendement n° 81, identique à l'amendement n° 156, n'est pas adopté.

L'article 12 ter est adopté.

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