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Discussions autour de l'Article 12 Ter de la Loi sur la Délinquance

M. Jean-Pierre Blazy – La loi du 5 juillet 2000 a tenté d’apporter des solutions au problème de l’accueil des gens du voyage, très délicat à gérer pour les maires. Il conviendrait d’ailleurs d’en faire l’évaluation.
Cet article introduit par le Sénat dispose qu’en cas de stationnement illicite de gens du voyage sur un terrain, privé ou public, le propriétaire du terrain ou le maire peuvent demander au préfet de mettre les occupants en demeure de quitter les lieux. Cette mise en demeure peut faire l’objet d’un recours suspensif, le tribunal administratif devant statuer dans un délai maximal de trois jours. S’il confirme la décision, le préfet peut alors demander l’évacuation du terrain par la force.
On nous avait jusqu’à présent toujours objecté qu’il serait non conforme à la Constitution de saisir une autre juridiction que le juge judiciaire, garant des libertés individuelles, pour requérir l’évacuation d’un terrain occupé illicitement – sans compter que doit être respecté le principe d’inviolabilité du domicile privé, les caravanes étant considérées comme un domicile. Ce nouvel article ne crée-t-il donc pas une rupture d’égalité des citoyens devant la justice et ne porte-t-il pas atteinte aux droits de la défense pour les gens du voyage ? Tous les maires souhaitent trouver une solution rapide et peu coûteuse pour faire libérer les terrains occupés illicitement, mais celle proposée ici est-elle la panacée ? Si tel était le cas, sans doute y aurait-on pensé plus tôt.
M. Éric Woerth – L’amendement 87 rectifié est, je le crois, réaliste. Il peut s’écouler un temps assez long entre le moment où une commune décide, conformément au schéma départemental, de créer une aire d’accueil pour gens du voyage et celui où cette aire peut ouvrir. Les procédures, notamment lorsqu’il faut procéder à des expropriations, sont longues. Je propose que les communes qui, en attendant la réalisation d’une aire définitive, mettent à disposition des gens du voyage un terrain provisoire, agréé par le préfet, puissent elles aussi bénéficier de la procédure d’évacuation forcée prévue dans l’article, le recours à cette procédure n’étant possible que dans un délai de trois mois suivant l’agrément. Le préfet s’assurera bien entendu de la bonne foi des communes s’agissant de la réalisation de l’aire définitive.
M. Jean-Christophe Lagarde – C’est une proposition juste et équilibrée.
M. Dominique Tian – Mon sous-amendement 732 porte de trois à douze mois le délai prévu. Ce serait plus réaliste.
M. le Rapporteur – La commission a accepté l’amendement 87 rectifié. S’agissant du sous-amendement, j’y serais plutôt défavorable, un délai de douze mois me paraissant excessif.
M. Christian Estrosi, ministre délégué – Cet article résulte d’amendements présentés par le sénateur Hérisson, président de la commission consultative des gens du voyage. Il ne remet nullement en cause la loi Besson, à laquelle nous sommes tous attachés. Mais il permettra de mettre plus rapidement un terme aux occupations illicites de terrains publics ou privés, alors que le dispositif actuel est long, coûteux et largement inefficace. Ce sont les petites communes qui sont les plus pénalisées par la loi de juillet de 2000 : elles ont beaucoup de mal, en effet, à remplir le cahier des charges imposé pour la création des aires d’accueil.
Quant à l’amendement de M. Woerth, il tend à faciliter la réalisation des objectifs de la loi Besson en étendant la procédure d’évacuation forcée aux communes qui bénéficient du délai supplémentaire accordé par la loi du 13 août 2004 pour réaliser leur aire d’accueil, ainsi qu’aux communes qui disposent d’un emplacement provisoire pendant trois mois à compter de l’agrément préfectoral. Nous y sommes très favorables.
En revanche, Monsieur Tian, votre sous-amendement va un peu trop loin et risquerait, s’il était adopté, de se heurter à l’opposition du Sénat. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.
M. Éric Woerth – Pour ma part, je soutiens le sous-amendement de M. Tian, le délai d’un an étant un maximum.
M. le Rapporteur – Je propose un compromis : porter le délai à six mois.
M. Dominique Tian – Je rectifie mon amendement dans ce sens.
M. Christian Estrosi, ministre délégué – Et je l’accepte ainsi rectifié.
M. Jean-Christophe Lagarde – L’amendement de M. Woerth me paraît très utile et très équilibré. Par ailleurs, je voudrais souligner la sagesse du dispositif adopté dans la LSI à l’initiative du ministre de l’intérieur, qui avait à l’époque fait l’objet de beaucoup de critiques : dans mon département, nous n’étions que deux maires à avoir réalisé des aires provisoires, et tous les autres s’y sont mis à présent.
M. Jean-Pierre Blazy – Cette nouvelle disposition doit s’appliquer aux communes rurales beaucoup plus qu’aux communes urbaines, nous dit-on : je ne comprends pas bien pourquoi.
L’amendement de M. Woerth me paraît utile, mais les difficultés rencontrées pour réaliser les aires demeurent. Enfin, Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu sur le risque d’inconstitutionnalité.
Le sous-amendement 732 rectifié, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 87 rectifié ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – À l’unanimité !
M. Jean-Christophe Lagarde – Mon amendement 556 tend à préciser que c’est seulement « lorsque le terrain occupé appartient à une personne morale de droit public » que la mise en demeure des occupants, par le préfet, de quitter les lieux « ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique ». Il faut en effet permettre aux propriétaires privés de faire appel au préfet même en dehors de ces cas.
M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné cet amendement mais je me demande si sa rédaction correspond bien à l’objectif poursuivi par M. Lagarde. Les atteintes à l’ordre public ne dépendent pas de la nature juridique du terrain. À titre personnel, avis défavorable.
M. Christian Estrosi, ministre délégué – Monsieur Blazy, aucun principe ne s’oppose à ce que le juge judiciaire intervienne. Compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l’article 66 de la Constitution, l’évacuation forcée de véhicules ne nécessite pas l’intervention de l’autorité judiciaire en sa qualité de gardienne de la liberté individuelle. Nous sommes dans un domaine de police administrative et il est normal que le juge soit le juge administratif ; mais il faut qu’un juge puisse se prononcer s’il est saisi.
Monsieur Lagarde, votre amendement peut être interprété de deux façons. Si l’objectif est d’étendre aux terrains appartenant aux personnes morales de droit public la possibilité de mise en demeure préfectorale, il est déjà satisfait. Si l’amendement tend à limiter aux terrains appartenant à des personnes morales de droit public la condition posée à la mise en demeure préfectorale, il méconnaît le fait que le préfet, en tant qu’autorité de police administrative, est chargé de veiller à l’ordre public quel que soit le propriétaire du terrain. En conséquence, je vous invite à retirer votre amendement.
M. Jean-Christophe Lagarde – Mon souhait était que les propriétaires privés, dès lors qu’il subissent l’envahissement de leur terrain, puissent demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux, cela même si le stationnement n’est pas « de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique ». Mais j’accepte de retirer mon amendement.
L'amendement 556 est retiré.
M. le Rapporteur – L’amendement 201 vise le cas de propriétaires qui acceptent l’installation de résidences mobiles en violation d’un arrêté municipal, et alors que cette installation porte atteinte à l’ordre public. Il faut une égalité de traitement. Il est difficile d’imposer à un propriétaire l’évacuation forcée de son terrain, mais celui-ci est responsable des actes commis par ses occupants : l’amendement vise donc à le contraindre à faire lui-même cesser le trouble ou, à défaut, accepter l’évacuation forcée des résidences mobiles, faute de quoi il sera redevable d’une amende importante.
L’amendement 202 en est le corollaire : il permet au propriétaire de déposer un recours contre la mise en demeure du préfet. Nous avons donc ici un ensemble de mesures cohérent et respectueux des règles constitutionnelles.
M. Lilian Zanchi – L’amende de 3 750 euros sera-t-elle la même pour tout occupant, ou différente pour les gens du voyage – ce qui irait à l’encontre de l’égalité de traitement que vous évoquiez à l’instant ?
Par ailleurs, le ministre nous accusait la semaine dernière de ramener ce projet de loi à une série d’aggravations de peines, mais n’est-ce pas précisément ce que nous faisons depuis un moment ?
Les amendements 201 et 202, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
M. le Rapporteur – L’amendement 203 précise que la décision est prise dans les 72 heures suivant la saisine par ordonnance du président du tribunal administratif ou d’un magistrat qu’il aura délégué.
L'amendement 203, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 12 ter modifié, mis aux voix, est adopté.

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